Mgr Ranjith invite à obéir au Pape
Monseigneur Albert Malcolm Ranjith Patabendige, Secrétaire de la Congrégation pour le Culte Divin et la Discipline des Sacrements, a déclaré à propos du Motu Proprio "Summorum Pontificum" de Benoit XVI : J’invite tout le monde à obéir au Pape.
(Mgr Albert Malcolm Ranjith Patabendige, Secrétaire de la Congrégation pour
le Culte Divin et la Discipline des Sacrements)
Voici trois entretiens accordés en novembre dernier par Mgr Ranjith :
Excellence, quel accueil a reçu le Motu Proprio de Benoît XVI qui a libéralisé la sainte messe selon le rite tridentin ? Quelques-uns, au sein même de l’Église, ont un peu “tordu le nez”…
Il y a eu des réactions positives et, inutile de le nier, des critiques et des prises de position contraires, même de la part de théologiens, liturgistes, prêtres, évêques et aussi des cardinaux. Franchement, je ne comprends pas ces formes d’éloignement et – pourquoi pas ? – de rébellion contre le Pape. J’invite tout le monde, mais par-dessus tout les pasteurs, à obéir au Pape, qui est le Successeur de Pierre. Les évêques, en particulier, ont juré fidélité au Pontife : qu’ils soient cohérents et fidèles à leur engagement.
A votre avis, à quoi sont dues ces manifestations contraires au Motu Proprio ?
Vous savez qu’il y a eu, de la part de quelques diocèses, des documents d’interprétation qui visent inexplicablement à limiter le Motu Proprio du Pape. Derrière ces actions se cachent d’une part des préjugés de type idéologique, d’autre part l’orgueil, un des péchés les plus graves. Je répète : j’invite tout le monde à obéir au Pape. Si le Saint-Père a tenu à publier le Motu Proprio, c’est qu’il avait ses raisons que pour ma part je partage pleinement. (…)
Monseigneur, votre Congrégation a plusieurs fois dénoncé les abus liturgiques…
C’est vrai. Il existe tellement de documents qui, cependant, sont de façon déplaisante restés lettre morte, oubliés dans des rayons poussiéreux ou, pis encore, à la corbeille à papiers. (…)
Revenant au Motu Proprio, quelques-uns critiquent l’emploi du latin durant la messe…
Le rite tridentin fait partie de la tradition de l’Église. Le Pape a convenablement expliqué les raisons de sa mesure, un acte de liberté et de justice envers les traditionalistes. Pour ce qui est du latin, je voudrais souligner qu’il n’a jamais été aboli, et qu’en plus il garantit l’universalité de l’Église. Mais je le répète : j’invite les prêtres, les évêques, les cardinaux à l’obéissance, laissant de côté tout type d’orgueil et de préjugés.
Entretien accordé au site internet italien « Petrus », qui l’a publié le 5 novembre 2007.
Le Pape veut récupérer des éléments estompés par la réforme
Excellence, quel est votre avis sur la signification profonde du Motu Proprio Summorum Pontificum ?
Je vois dans cette décision non seulement la sollicitude du Saint-Père pour ouvrir la voie du retour dans la pleine communion de l’Église aux fidèles de Monseigneur Lefebvre, mais aussi un signe pour l’Église tout entière sur certains aspects théologiques et disciplinaires à sauvegarder pour un renouveau profond, si désiré par le Concile. Il me semble que le Pape désire fortement corriger ces tentations visibles dans certains milieux qui considèrent le Concile comme un moment de rupture avec le passé et d’un commencement nouveau. (…) Le Motu Proprio, à mon avis, doit être compris en ce sens. Il est un élément possible en vue d’une correction nécessaire d’orientation.
En effet, dans certains choix de la réforme liturgique réalisée après le Concile, on a adopté des orientations qui ont estompé certains aspects de la liturgie, qui se reflétaient mieux dans la pratique précédente, parce que, pour certains, le renouveau liturgique a été compris comme quelque chose à réaliser ex novo. Mais nous savons bien que ce ne fut pas l’intention du document Sacrosanctum concilium, qui déclarait : « Les formes nouvelles, d’une certaine manière, naissent de manière organique de celles qui existent déjà » (SC 23). Cette erreur d’interprétation du Concile, et du chemin historique et théologique de l’Église, a influé sur tous les secteurs ecclésiaux, y compris la liturgie. Une certaine attitude de rejet facile des développements ecclésiologiques et théologiques, mais aussi des développements liturgiques du dernier millénaire d’une part, et une « idolisation » de ce qu’aurait été la mens de la prétendue Église des premiers chrétiens de l’autre, a eu une influence de grande importance sur la réforme liturgique et théologique de l’ère postconciliaire. Le rejet catégorique de la messe préconciliaire, comme reste d’une époque désormais « dépassée », a été le résultat de cette mentalité. (…) Plusieurs de ces réformes ont abandonné des éléments importants de la liturgie, avec les considérations théologiques qui s’y rapportent : à présent, il est nécessaire et important de récupérer ces éléments. Le Pape considère le rite de saint Pie V revu par le bienheureux Jean XXIII comme une voie de récupération de ces éléments estompés par la réforme (…).
On entend dire que, dans certaines nations ou dans certains diocèses, des évêques ont promulgué des règles qui annulent pratiquement ou déforment l’intention du Pape.
Cette attitude n’est pas conforme à la dignité et à la noblesse de la vocation d’un pasteur de l’Église. Je ne dis pas que tous sont ainsi. La majorité des évêques et des ecclésiastiques a accepté, avec le sens normal de révérence et d’obéissance, la volonté du Pape. Cela est véritablement louable. Malheureusement, il y a eu des voix de protestation de la part de certains.
Entretien accordé à l’agence de presse Fides, qui l’a publié le 16 novembre 2007.
Pendant des années, la liturgie a subi trop d’abus
(…) Après la publication du Motu Proprio Summorum Pontificum de Benoît XVI, on a ravivé la discussion entre les prétendus « traditionalistes » et les « progressistes ». Y a-t-il en ce sens une opposition de ce genre ?
Absolument pas. (…) En ce qui concerne la messe tridentine, il y a eu une question grandissante avec le temps. La fidélité aux règles de la célébration des sacrements continuait à baisser. Plus cette fidélité au sens de la beauté et du mystère dans la liturgie diminuait, plus augmentait la demande pour la messe tridentine. Et alors, de ce fait, qui a réellement demandé la messe tridentine ? Non seulement ces groupes [traditionalistes], mais même ceux qui ont subi le manque de respect pour les règles de la célébration digne selon le Novus ordo.
Pendant des années, la liturgie a subi trop d’abus et de nombreux évêques les ont ignorés. Le pape Jean-Paul II avait lancé un appel attristé dans Ecclesia Dei adflicta, qui n’était rien d’autre qu’un appel à l’Église à être plus sérieuse dans la liturgie. La même chose s’est produite avec l’instruction Redemptionis sacramentum. Pourtant, dans certains cercles de liturgistes et commissions liturgiques, ce document a été critiqué. (…) Face à cela, le Saint-Père Benoît XVI ne pouvait pas se taire : comme on le remarque dans la lettre écrite aux évêques sur le Motu Proprio et même dans ses multiples discours, on sent un profond sens de responsabilité pastorale. Ce document donc – au-delà d’être une tentative de chercher l’union avec la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X – est aussi un appel fort du Pasteur universel à un sens du sérieux.
Est-il un rappel aussi d’une certaine manière aux prêtres ?
Je dirais oui. Du reste, devant certaines conceptions arbitraires et peu sérieuses de la liturgie, on peut se demander ce qu’on enseigne dans certains séminaires. (…) Dans quelques cercles liturgiques, on a une certaine tendance à sous-estimer combien l’Église a mûri dans le second millénaire de son histoire. On parle d’appauvrissement du rite, mais c’est une conclusion trop banale et simpliste : nous croyons que la tradition de l’Église se manifeste dans un développement continu. (…)
Pour un renouvellement véritable de l’Église – tellement désiré par le Concile – il est nécessaire qu’on ne limite pas la liturgie à l’étude académique, mais que celle-ci devienne une priorité absolue dans les Églises locales. Il est donc urgent de donner une importance juste au niveau local à la formation liturgique selon l’esprit de l’Église. (…) C’est la grande responsabilité des évêques.
Entretien accordé à l’Osservatore romano, qui l’a publié le 19 novembre 2007.
Source : http://fssp-sarthe.over-blog.com/article-7352147.html